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Restitution de l'appel à projets de la mise en visibilité des cendriers de rue par les nudges

Le 24 septembre dernier, six villes se sont rassemblées à Massy pour clôturer l'initiative de l’appel à projet Nudge de l’éco-organisme Alcome. Ce projet ambitieux, lancé dans le cadre d'un appel à projets national, visait à tester des solutions innovantes pour lutter la présence de mégots de cigarette en milieu urbain. Cet appel à projet a permis de tester différentes solutions : techniques – comme l'installation de nouvelles corbeilles et cendriers, avec des stratégies de communication ciblées pour améliorer la visibilité de ces dispositifs. Les 6 villes qui ont participé à cette expérimentation (Bourg-en-Bresse, Dieppe, Landerneau, Massy, Strasbourg, et Tours) représentent une diversité de contextes urbains et de taille. 

Cet appel à projets a permis de répondre à plusieurs défis : encourager le geste de tri, rendre plus visible le mobilier urbain dédié à la propreté, et expérimenter des solutions originales adaptées aux comportements humains. La journée de clôture à Massy a été l’occasion de partager les résultats de ces premières expérimentations, de dresser un bilan, et de poser les bases pour les prochaines étapes. 

L’utilisation des sciences comportementales pour mieux comprendre et faire changer le geste de tri  

La journée a commencé par une intervention de Pierre-Etienne Delfly, directeur de la communication chez Alcome, qui a rappelé l’importance des sciences comportementales dans la gestion des déchets urbains, en particulier pour encourager le bon geste de tri chez les fumeurs. Les sciences comportementales étudient les facteurs psychologiques influençant nos décisions quotidiennes ; leur étude permet de concevoir des stratégies – appelées nudges – qui incitent les individus à adopter des comportements plus vertueux, sans recourir à des mesures contraignantes. Les nudges, ou "incitations douces", sont des dispositifs subtils visant à orienter les choix des individus. Par exemple, un nudge pourrait consister à placer un marquage au sol qui guide les fumeurs vers un cendrier, ou à afficher un message incitatif sur la corbeille elle-même. Cet appel à projets visait notamment à analyser l'impact des nudges sur les comportements de tri. 

Innovations et Méthodologies Déployées 

Les villes participantes ont expérimenté diverses innovations autour des nudges pour réduire la présence des mégots dans l’espace public : 

  • Nudges de lieu : Ces dispositifs ont été placés à différents endroits stratégiques tels que sur les corbeilles de tri, au sol près des zones de fumeurs, ou encore à proximité des cendriers. 
  • Nudges de type : Les formes d’incitations varient : des textes incitatifs apposés sur les cendriers, des affiches créatives attirant l’attention, ou encore des marquages colorés au sol. 

La méthodologie adoptée se déroulait en deux phases distinctes. La première phase, nommée phase 0, impliquait une évaluation préliminaire : inventaire des équipements déjà présents, observation des usages et mésusages, et interviews de fumeurs et non-fumeurs pour mieux comprendre leurs habitudes. Cette première phase a permis de récolter des données précieuses sur les pratiques de tri des mégots. La phase 1, quant à elle, a permis de mesurer l’impact des dispositifs installés grâce à un suivi des comportements après l’installation des nouveaux équipements. 

La rencontre des différentes collectivités à Massy visait à partager les conclusions de ces expérimentations, discuter des résultats et échanger sur les bonnes pratiques. 

Diversité des Contextes Urbains 

Les six villes étaient représentatives d'une diversité d'environnements urbains. Avec une population de 17 000 habitants, Landerneau a des défis très différents de ceux de Strasbourg, qui en a près de 500 000. 

Néanmoins, toutes ces villes partagent une préoccupation commune : la prolifération des mégots au sol. En cause, le manque d’équipements adaptés, une faible visibilité des cendriers, et une réticence de la population à utiliser le mobilier urbain pour les déchets de petites tailles. 

Certaines villes sont confrontées à des défis supplémentaires, tels que la gestion des dépôts sauvages, qui amplifie le problème de la propreté. Ces villes, bien que différentes en taille, ont toutes reconnu l’importance de sensibiliser leur population à la question des déchets urbains, et plus particulièrement aux mégots, qui représentent un défi de taille. 

Résultats des premières observations 

Les constats faits lors de la phase 0 ont révélé plusieurs mésusages courants : 

  • Les hommes, en particulier les adolescents et les personnes âgées de plus de 60 ans, sont plus enclins à jeter leurs mégots au sol. Les personnes seules semblent plus propices à de tels comportements, tandis que les individus en groupe tendent à mieux respecter les règles de tri. 
  • De nombreux habitants ne savent pas comment jeter correctement leurs mégots. En effet, certains estiment que les mégots ne constituent pas un déchet prioritaire, tandis que d'autres, à tort, pensent que le geste approprié est de les déposer dans les caniveaux. 

Les zones de mésusage les plus fréquentes sont les lieux de passage, comme les rues avec une forte activité commerciale (bars, discothèques, restaurants), les parcs publics et les marchés couverts. 

Dispositifs mis en place pour réduire les mégots au sol 

Face à ces constats, les villes ont déployé une panoplie de dispositifs innovants pour encourager le tri des mégots : 

  • Types d’équipements installés : L’installation de nouveaux cendriers a été la priorité, avec des initiatives originales comme des cendriers ludiques à Massy ou des éteignoirs ajoutés directement sur les corbeilles de tri. Des cendriers de poche ont également été distribués aux fumeurs, parfois via les buralistes, pour leur offrir une alternative pratique. 
  • Design visible et attrayant : Pour capter l’attention des fumeurs, les villes ont mis en place des dispositifs colorés et visibles. À Strasbourg, un vert éclatant a été choisi, tandis qu’à Bourg-en-Bresse, un bleu flashy a été utilisé pour distinguer les cendriers. 

En parallèle, des nudges ont été intégrés dans l’espace public, de diverse nature. Des marquages thermocollants au sol et des peintures phosphorescentes ont été appliqués, mais aussi de la peinture sous forme de cible autour des corbeilles, afin d'attirer l’attention des fumeurs et les guider vers les équipements appropriés. Des stickages spécifiques ont aussi pu être apposés sur des lieux plus problématiques, comme sur certaines tables de pique-nique à Landerneau. 

Communication engageante : un outil essentiel 

Un des aspects clé de cette initiative a été la communication engageante, qui s’est inscrite dans des politiques municipales plus larges de gestion des déchets. Par exemple, la ville de Massy a intégré ce projet dans une révision globale de son plan de gestion des déchets. Cela a inclus la suppression de petites corbeilles au profit de dispositifs plus grands, la réorganisation des collectes, et le renforcement des moyens humains pour lutter contre la malpropreté. 

Strasbourg, de son côté, a inscrit cette action dans sa campagne "Game Over" contre les déchets abandonnés. Le projet a été soutenu par une politique de dé densification des corbeilles dans les parcs et jardins, pour limiter l’accumulation de déchets dans ces espaces verts. 

D’autres initiatives ont vu le jour, telles que des opérations de nettoyage citoyen, ou encore la création d’une "brigade verte" à Tours pour lutter contre les incivilités. Des actions innovantes ont également été menées, comme un escape game destiné à sensibiliser les agents municipaux à Strasbourg, ou bien la création d’une mascotte Mégot réalisée en partenariat avec l’opéra de Strasbourg 

Maintien des dispositifs et défis rencontrés 

Un suivi rigoureux est nécessaire après l’installation des nouveaux dispositifs pour évaluer leur impact et assurer leur maintenance. Certains équipements se sont vus dégradés (intempéries, présence d’animaux – goélands, rats – vandalisme), et des ajustements, comme la taille des trous des cendriers, ont dû être ajustés pour éviter les mésusages. La validation des architectes et bâtiments de France est aussi à prendre en compte pour assurer une pérennisation du dispositif. Une bonne implication des équipes de propreté, ainsi qu’une sensibilisation en continu des usagers, sont autant de facteurs clés de succès pour garantir un dispositif durable.  

Conclusions : les nudges, une réussite ? 

Selon les premières analyses, l’utilisation des nudges s’est révélée efficace pour réduire les mésusages. Sur les sites observés, les mauvais gestes ont diminué de 58% à 52%. De plus, lorsque les fumeurs sont à moins de 10 mètres d’un cendrier, les nudges permettent de quasiment éliminer les comportements non responsables. Cependant, les zones de passage, où la population est plus dense et mobile, restent des défis complexes. Dans ces espaces, le fumeur ne prend pas le temps du bon geste de tri.  

Enfin, les villes ont souligné l’importance de l’impact visuel des dispositifs. Plus ils sont visibles, plus ils sont utilisés, mais cela doit être équilibré avec les contraintes esthétiques imposées par les Architectes des Bâtiments de France (ABF). Ces restrictions limitent parfois la durée ou la taille des installations, mais elles peuvent être assouplies si les dispositifs sont temporaires. 

Prochaines étapes et recommandations 

Pour aller plus loin, il est recommandé de poursuivre le suivi régulier de ces initiatives et de renforcer l’implication des acteurs locaux, notamment les agents de propreté. La sensibilisation en direct, par des actions sur le terrain, reste l’une des stratégies les plus efficaces. Une étude complémentaire pourrait être réalisée pour mieux comprendre l’impact des cendriers de poche et les raisons de leur adoption ou non par les fumeurs. 

Ce projet a démontré l’efficacité des nudges et des stratégies de communication pour encourager un meilleur tri des mégots, tout en mettant en lumière les défis liés à l’entretien des dispositifs et à la sensibilisation des citoyens. Il s'agit maintenant de capitaliser sur ces résultats pour étendre les initiatives à d'autres villes et continuer à lutter contre la pollution urbaine. 

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